Sahel : La santé mentale est vitale pour les enfants dans les conflits
« Un jour de marché, des individus armés ont fait irruption dans notre village. Ils ont capturé mon père et l’ont tué. Nous avons pris la fuite pour nous réfugier à Djenné. Je crains que ces personnes ne reviennent et je pleure. Des fois, l’armée n’est pas là pour nous protéger. J’ai reçu le soutien d’agents du projet ECHO et d’une animatrice pour être moins anxieux. Maintenant je n’y pense plus quand je dors. » Hamadi, 12 ans – Djenné, Mali
Il y a de nombreux récits semblables à celui d’Hamadi dans les zones durement touchées par les crises au Sahel. En effet, les attaques ciblées contre les écoles, les élèves et les enseignants sont devenues fréquentes, affectant la santé mentale des enfants et leur éducation.
L'insécurité persistante et croissante au niveau du Sahel central a occasionné le déplacement de plus de 900.000 enfants. Les attaques directes ciblant l’éducation se sont multipliées. Aujourd’hui, on compte plus de 7.000 écoles fermées au Mali, au Niger et au Burkina Faso.
Dans la région, beaucoup d’enfants ne vont plus à l’école pour apprendre et s’épanouir. En effet, nombre d’entre elles sont occupées par les groupes armées ou détruites et n’offrent plus la protection reconnue dans de nombreuses zones. Ces enfants sont alors exposés à l’insécurité et leur avenir devient incertain avec des risques d’abus, d’enlèvement, de travaux forcés, de mariage précoce ou de recrutement par des groupes armés.
Depuis juillet 2020, un programme d’éducation en situation d’urgence intégrant la protection des enfants ainsi que la santé mentale et le soutien psychosocial a été lancé au niveau du Niger, du Burkina Faso et du Mali. Ces perspectives de réponse humanitaire intégrées doivent être multipliées pour répondre aux besoins critiques des populations affectées par les crises du Sahel.
Hamadi, tout comme d’autres enfants de son âge, ont droit à l’éducation, à la protection et au bien-être pour un développement harmonieux. Grâce à ce programme, le jeune enfant de 12 ans est actuellement inscrit dans un programme d’apprentissage aux cotés de beaucoup de ses frères maliens.
« Entre la violence liée aux conflits et le chemin de l’exode vers la sécurité, les déplacés doivent faire face au changement soudain de leurs conditions de vie. Les pertes physiques, économiques et sociales engendrées par les évènements ont un impact psychologique et psychosocial important sur les communautés, surtout les enfants. »
A Djenné (Mali) où vit désormais Hamadi, comme dans plusieurs zones de crises au Sahel, il est nécessaire et urgent de trouver des mécanismes d’assistance rapide aux enfants touchés mentalement par les conflits et la déscolarisation.
La Commission européenne (bureau de la Protection Civile et Operations d'Aide Humanitaire Européennes - ECHO) s'est associée à Save the Children (SC) pour répondre aux besoins d'apprentissage, de sécurité et de santé mentale des enfants au Burkina Faso, au Mali et au Niger. Le programme pilote de partenariat financé par ECHO fournit une réponse intégrée rapide et continue en matière d'éducation, de protection, de santé mentale et de soutien psychosocial (SMSPS) pour les enfants en situation d'urgence.
Dans des villes telles que Djenné au Mali, Dori au Burkina Faso ou Téra au Niger, de nombreuses écoles accueillent des enfants déplacés par les violences. Le projet ECHO PPP met à leur disposition les ressources nécessaires leur permettant d’étudier et de s’épanouir dans un environnement protecteur et respectueux de leur bien-être.
En 2022, Save the Children appuie 176 écoles au niveau des 3 pays pour un effectif de 130.523 enfants, dont 41.767 déplacés en renforçant les capacités d’accueil des écoles formelles pour absorber le flux des déplacés et offrant des opportunités de formations didactiques et pédagogiques tout en réalisant des distributions de matériel scolaire pour faciliter l’apprentissage des enfants affectés. Pour l’année académique 2022/2023 nous avons ciblé 86 écoles formelles au niveau des 3 pays avec un total de 37916 enfants dont 16499 déplacés.
Et pour mieux répondre aux besoins des enfants victimes de déplacements forcés, le programme déploie une initiative de réponse rapide qui facilite leur protection, leur bien-être et leur l’éducation. A travers la Réponse Intégrée Rapide pour les Enfants (RIRE), Save the Children permet à des milliers d’enfants d’être pris en charge dans des espaces d’apprentissage sûrs et protecteurs dans les 3 mois suivant leur déplacement.
Cette approche est mise en œuvre par des équipes mobiles multidisciplinaires ainsi que par des animateurs d’espaces récréatifs. Ces équipes mobiles sont composées de d’agents formés en premiers secours psychologiques dont le rôle est d’assister les enfants et tuteurs en détresse, d’aider à identifier leurs besoins immédiats et de faciliter leur accès aux services essentiels et spécialisés.
Les animateurs sont issus des communautés locales. Ils sont formés et soutenus par les travailleurs sociaux et les spécialistes de la santé mentale et du soutien psychosocial de ECHO PPP pour mieux détecter les signes de détresse, notamment le sentiment d’anxiété, la peur, la tristesse, la confusion, l’oubli, le manque de concentration et les changements de comportement tels que l'agressivité et l’isolement.
A terme, dans les trois pays, le programme vise à soutenir 169.033 garçons et filles vivant dans des camps de déplacés et des communautés d'accueil et à leur permettre d’accéder à un apprentissage continu de qualité et à un soutien en santé mentale dans des environnements sûrs et protecteurs.
Par Ali Thienou, Chargé de communication et plaidoyer ECHO PPP, Save the Children au Mali.